Marguerite et Julien : l’éclosion de l’éblouissante Anaïs Demoustier

Marguerite (Anaïs Demoustier) et Julien (Jérémie Elkaïm) de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville s’aiment d’un amour sans limite, mais incompris des autres. En grandissant, la tendresse de leur lien évolue vers un amour passionné et passionnel. Mais problème, ils sont frère et sœur, et dans les mentalités l’amour et l’inceste ne font pas bon ménage. Après avoir affronter de nombreuses épreuves, pour pouvoir s’aimer, ils vont devoir fuir leur famille, leur pays et la société qui ne veut pas de l’amour.

Armée d’un scénario de Jean Gruault destiné à l’origine pour François Truffaut dans les années 70, Valérie Donzelli signe ici un film original et montre une fois de plus son talent de réalisatrice, sa capacité à faire de n’importe quelle histoire une histoire hors du commun. En choisissant de se baser sur la véritable histoire de Marguerite et Julien de Ravalet (qui eut lieu au XVIIe siècle), le risque de basculer dans la fresque historique était inévitable. Mais l’une des forces de ce film, c’est d’avoir choisi d’en faire une histoire intemporelle en mélangeant les époques, et ainsi faire de cette histoire presque une légende, une histoire qui a sa place à n’importe quelle époque, et qui traite d’un sujet qui a plus ou moins toujours été dérangeant pour les sociétés de tous temps : l’inceste, l’amour entre frère et sœur. Si le choix du brillant Jérémie Elkaïm pour jouer Julien a été une évidence pour Valérie Donzelli, Anaïs Demoustier a dû participer à un casting pour faire la différence. Force est de constater que c’est un très bon choix : Anaïs Demoustier est éblouissante dans le rôle de Marguerite, un personnage fort, authentique et émouvant. Elle incarne le personnage sans concession, et lui donne corps et vie en y mettant toute la ferveur de son talent, de son énergie et d’une sensibilité passionnée, à fleur de peau. Assurément une actrice brillante, que l’on espère revoir encore et encore à l’avenir dans le cinéma français.

Une autre force du film, c’est de ne pas prendre parti : la réalisatrice ne blâme pas le couple interdit, mais elle ne soutient pas forcément non plus. Ainsi le spectateur oscille entre empathie pour Marguerite et Julien et pour d’autres membres de sa famille par exemple. Chacun peut ensuite se positionner selon son point de vue, parfois plus troublé par le côté intemporel et anachronique de l’histoire que par l’amour incestueux lui même. Enfin, ce qui rend ce film particulier, ce sont les choix en terme de photographie, de lumière et de montage de la part de Valérie Donzelli. "Pour les nuits, on a utilisé un gros projo qui faisait la lune, on a eu recourt à des nuits américaines. On a mélangé la pellicule et le numérique. On a fait tous les plans intérieurs jour en pellicule. Tout le reste a été tourné en numérique. Je voulais qu’on filme les peaux de telle sorte qu’on ait l’impression qu’on puisse les toucher. Je voulais éviter l’image très définie du numérique. Je voulais faire un film sensoriel. Il était important pour moi que le film ait de la personnalité. Je ne voulais pas juste un film bien éclairé, ça ne m’intéressait pas. Je voulais un film très pictural, mais en même temps vivant, pas figé" déclare-t-elle. Et effectivement, la sensibilité de ce film est à fleur de peau sur tous les plans, tant dans l’écriture que dans la réalisation.

Un seul conseil donc : ne vous fiez pas aux critiques frileuses. Ce n’est pas un film parfait, mais c’est un film particulier, beau, émouvant et troublant, avec une Anaïs Demoustier qui crève l’écran littéralement. N’hésitez donc pas à aller voir Marguerite et Julien, et vous laisser porter par cette histoire pas comme les autres.

(Oui, le mec qui a posté la vidéo ne sait pas écrire Julien...)