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L'Œil de Jérémy

Un œil sur la vie culturelle, l'autre sur les médias. Toujours critique, pas toujours objectif, mais jamais perfide (enfin pas trop).


Les Huit Salopards : Tarantino fait son « huit-clos »…

Publié par Jérémy Mercier sur 24 Janvier 2016, 17:04pm

Catégories : #Cinéma

Les Huit Salopards : Tarantino fait son « huit-clos »…

Dans l’Amérique post-Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth (Kurt Russel) alias Le Bourreau fait route vers Red Rock avec sa prisonnière Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh) qu’il conduit à la potence. En chemin ils tombent sur le Major Marquis Warren (Samuel L. Jackson), ancien soldat reconverti en chasseur de primes, et Chris Mannix (Walton Goggins) qui se présente comme le nouveau sheriff de Red Rock. Ils se font surprendre par le blizzard et s’arrêtent dans un relais de diligences, l’auberge de Minnie, qu’ils semblent tous bien connaître. Ils y rencontrent Bob « Le Mexicain » (Demián Bichir) en charge de l’établissement en l’absence de la patronne, Oswaldo Mobray (Tim Roth) le bourreau de Red Rock, Joe Gage dit Le Cowboy (Michael Madsen), et le général confédéré Sanford Smithers (Bruce Dern). Reclus dans ce relais au milieu des montagnes et en pleine tempête, les mensonges, la trahison et les faux-semblants vont bon train. Parmi eux, il en est un qui n’est pas celui qu’il prétend être. Ces huit salopards vont ils tous sortir vivants de l’auberge de Minnie ? Rien n’est moins sûr…

Ce huitième film de Quentin Tarantino, réalisateur hors normes, est selon les déclarations de celui ci l’un des derniers puisqu’il a toujours affirmé qu’il ne ferait que 10 films avant de prendre sa retraite. Espérons qu’il manquera à son engagement, bien au delà de 10. Cependant, concentrons nous donc sur ce huitième long métrage, que l’on peut considérer comme son deuxième western, mais en partie aussi comme son premier film d’horreur (c’est lui qui l’a dit !). Comme toujours, Tarantino a joué l’originalité, en tournant son film en 70mm, et en décidant que celui ci durerait 2h48 (ou 3h dans les salles le diffusant en 70mm). Si bien souvent les choix les plus marginaux de Quentin Tarantino sont pertinents, limite brillants, on avouera en toute honnêteté qu’autant le choix du 70mm donne une dimension hors temps et spéciale au film, autant la durée est au delà du choix marginal : c’est une erreur.

Entendons nous bien, ce film n’est pas un échec magistral non plus, mais il souffre de plusieurs défauts, certains suffisamment conséquents pour gâcher en partie le plaisir d’un bon Tarantino sur grand écran. Tout d’abord, comme nous l’évoquions plus haut, le film dure près de trois heures. Les films peuvent durer trois heures et ne pas souffrir de la moindre longueur, de la moindre latence, par exemple l’exceptionnel Le Loup de Wall Street de Martin Scorcese : la tension et l’intensité du film ne décroit jamais, et les trois heures filent comme si celui ci durait moitié moins. Mais dans le cas du film de Tarantino, Les Huit Salopards, plus que de retomber, la tension met bien trop longtemps à s’installer. La rencontre des 4 premiers personnages est intéressante, offre des scènes et répliques délectables, mais aussi de longues discussions sur la Guerre de Sécession qui appesantissent le rythme et n’apportent rien à l’intrigue. On se fiche complètement de leurs débats sur ce sujet, on attend qu’une chose : les voir arriver dans le fameux relais de diligences que le huis-clos commence, enfin ! Et ces longueurs gâchent ce moment tant attendu, car dès lors qu’un film souffre d’excès de durée dès le début, chaque longueur suivante, même lorsqu’elle ne dure que trente secondes, devient beaucoup plus indigeste. On appréciera en revanche des plans extérieurs d’un blanc immaculé sur d’immenses étendues hivernales, sublimés par le 70mm, donnant une saveur rétro de vieux western.

La partie huis-clos, elle, offre des moments de jeux d’acteurs, de dialogues et de situations anthologiques. Jennifer Jason Leigh est tout bonnement brillante, et joue à la perfection un rôle complètement atypique dans le western comme dans le genre du film d’horreur, même actuel : loin de jouer une potiche et/ou une bimbo, elle est aussi un vrai salopard, aussi pouilleuse, sale, vulgaire et crue que ses comparses masculins, limite virile par moments. Les autres salopards ne sont pas en reste : Kurt Russel excelle dans le rôle du chasseur de primes brutal et animal, offrant un vrai contraste avec le personnage Tim Roth, plus subtil en apparence, entrant plutôt dans le stéréotype du dandy raffiné, légèrement maniéré et cultivé qu’affectionne Tarantino (les personnages de Christoph Waltz dans Inglorious Basterds et Django Unchained, mais aussi d’une certaine manière celui de Leonardo DiCaprio dans ce dernier). En revanche, certains personnages semblent là pour un usage plus ponctuel, et frisent presque l’inutilité scénaristique, notamment le personnage du vieux général confédéré incarné par Bruce Dern, qui offre toutefois un moment de face à face culte avec le Major Marquis Warren (Samuel L. Jackson). Face à face qui, malheureusement, cristallise bien le côté paradoxal de ce film : de bons moments, parfois excellents, typiquement Tarantinesques, mais gâchés par d’inutiles longueurs. Même la scène de flash-back explicative est trop longue, fournie en inutiles détails ne servant ni le film ni la mythologie de Mr Quentin (puisque d’après ses récentes déclarations tous ses films sont liés). Concernant la dose de violences et d’hémoglobine si chère à Quentin Tarantino, on en a triple ration. Daisy Domergue passe tout de même une partie du film recouverte du sang et en partie des entrailles de … (vous saurez qui en allant le voir). C’est parfois écœurant, mais que serait un film de Tarantino sans la touche gore, violente et sanglante ?

Dans l’ensemble un film pas mal, offrant comme toujours chez Tarantino des scènes et dialogues d’ores et déjà cultes, du jeu d’acteurs de haut vol, mais souffrant malheureusement de trop nombreuses longueurs, parfois indigestes, et souvent inutiles. À voir malgré tout, parce qu’il y a de bons moments, et parce qu’un Tarantino, même moins bon, ça ne se loupe pas !

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